Featuring Jena Robertson

- C’est promis, pas de toupie ! Je me contenterais de la danse. Ce sera déjà bien suffisant pour moi aussi, ne vous en faites surtout pas.

Thomas regarda alors sa montre, alors que Jena filait déjà comme une flèche chercher ses affaires. Il n’avait pas vu le temps passer. La discussion les avait comme sorti du temps. Mais non, celui-ci avait bien continué son chemin, inextricable. Jusqu’ici, il n’avait d’ailleurs pas ressenti quelconque besoin particulier, trop concentré sur la rouquine. Il était vrai, désormais qu’il se rendait compte de l’avancée de la nuit, que son estomac criait à la famine. Avaler un petit quelque chose n’aurait été d’aucun refus. Il suivit Jena dans les couloirs. Lui-même avait ses propres affaires à récupérer. Il était étonné au passage de ne pas avoir encore croisé le concierge qui d’habitude faisait la tournée du bâtiment avant de tout clôturer. Ou alors ne l’avait-il seulement pas aperçu, trop occupé à regarder autre part, ou quelqu’un d’autre…

Il entra, et attrapa veste et cartable. Il ne tiqua pas à la pointe d’humour de Jena. Il n’allait pas lui faire faux bond, en aucune façon. Il avait réellement envie de l’accompagner et partager un moment dans un endroit légèrement plus chaleureux qu’une vulgaire salle de lycée public. Et puis de toute manière, elle ne lui laissa pas vraiment le choix. L’agrippant par le bras, elle l’emporte avec lui, bien décidée à aller au grill. Non déçu, il se laissa faire. Il ne fallait jamais contrarier une femme qui s’était mise une idée en tête : jamais ! Marchant calmement jusqu’à la sortie, Jena resta silencieuse. Et Thomas ne savait pas trop quoi lui dire. Il ne la connaissait que peu, et voulait pouvoir lui dire quelque chose d’intéressant, et ne pas l’assommer au risque de lui faire perdre conscience d’ennui en plein milieu du couloir. Le silence s’installa alors pendant un petit moment, donnant l’apparence que le temps avait littéralement freiné sa course. Finalement, il se décida à briser le tout. Quitte à paraître anodin.

- Dîtes-moi… Vous travaillez quelque part ? Du moins, une occupation, des hobbies… ?

Loin de lui l’envie de la juger. Au contraire. Il avait envie de la connaître un peu plus, d’approfondir cet échange qui s’était cantonné jusqu’ici bien trop à un côté professionnel et superficiel. Il fallait bien que pour qu’ils apprennent à se connaître, qu’ils discutent de choses et d’autres diverses, pouvant sembler anodines et banales. C’était une tentative comme une autre, bien que cela ressemble légèrement à un interrogatoire en bonne et due forme. Au moins, elle, elle savait ce que lui faisait de sa vie. Il n’avait pas besoin de lui dire qu’il était professeur, et que cela lui arrivait d’écrire également sur divers sujets. Du moins, ne savait-elle pas que certaines nuits, il s’amusait à pourchasser quelques vampires en quête de vérité, aux côtés de deux chasseurs.

Arrivant à l’extérieur, ils continuèrent de marcher, en direction du grill cette fois-ci. Il avait avec le temps appris à dompter sa peur de la nuit. Il savait ce qui s’y cachait, et il en avait été effrayé autrefois, de cette pénombre, des créatures surnaturelles qui en profitaient pour s’attaquer aux humains en toute impunité. Mais avec le temps, et probablement l’assurance que confère l’accès à certains pouvoirs, il avait réussi à passer outre cette peur, cette inquiétude, pour garder son sang-froid et la tête haute. Ce qui était particulièrement utile quand il s’agissait d’affronter un vampire, extrêmement plus rapide et plus fort que lui. En même temps, ce n’était pas trop difficile, le professeur d’histoire n’était guère très porté sur les activités sportives. Bien conscient de la ville où ils étaient alors ce soir, et ne sachant pas trop si sa compagnie aux cheveux de feu était portée sur l’auto-défense face à un vampire prêt à tout pour se nourrir et semer les morts, il préférait garder tous ses sens en éveil. Ce qui le rendait légèrement distrait, déconcentré sur la conversation qu’il avait avec Jena. Son ventre gargouilla alors, le ramenant à la réalité.

- Eh bien. Il faut croire que je pourrais avaler un bison entier.

Il esquissa un léger sourire, confus de se faire ainsi lâchement trahir par son estomac. Son côté bien élevé lui avait appris à ne jamais se plaindre de quoique ce soit. Et le fait de gargouiller ainsi ressemblait un petit peu à une forme de complainte. Ça le gênait.